« Ecrire pour se reconstruire », RFI, Journal du 26 mars 2019
L’odeur du café chaud embaume la pièce. Sur la table : des biscuits, des fruits et du chocolat. L’écrivain Yann Apperry, qui anime l’atelier une semaine sur deux, accueille les résidents du centre avec deux personnes du Samu social et un animateur de la Maison de la Poésie. Aujourd’hui il y a huit participants, mais la porte reste ouverte car chacun est libre d’entrer à tout moment. Tout est fait pour que les résidents ne soient pas intimidés.
« J’essaie simplement de leur faire reconnaître leur créativité et le fait que l’accès aux poèmes, à l’écriture et à la chanson est quelque chose de très simple et évident, immédiatement accessible et partageable. Je sens une très grande absence de jugement et beaucoup de bienveillance parce que tout le monde est passé par de tels parcours… »
(Yann Apperry, écrivain et animateur de l’atelier)
Gamal à 48 ans, il se déplace en fauteuil roulant. Ca fait dix mois qu’il est hébergé au centre, pourtant c’est la première fois qu’il assiste à cet atelier. Pour lui, c’est une révélation.
« Ca me permet de m’évader de ma galère parce que, étant SDF, ça me donne un petit coin de paradis. Et j’ai appris aujourd’hui qu’il y avait des gens du centre où je suis hébergé que je ne connaissais pas sous cet aspect là. C’est important pour moi, et c’est important pour nous. Pour l’ensemble des personnages, des hébergés qui vivent ici, c’est énorme. Dans deux/trois jours on s’en rappellera encore ! »
(Gamal, résident au Samu social de Popincourt)
« Annonce : chat de gouttière cherche souris en manque d’amour »
Cabossés de la vie, souvent en fracture sociale, les résidents retrouvent ici un peu d’humanité. C’est le cas de Marvin, dandy de 46 ans au look soigné. Il est hébergé au centre depuis un an et demi et c’est un habitué de l’atelier.
« Ce qui me plait, c’est qu’il y a une remise en confiance et de la convivialité. C’est comme un bain d’amour dans lequel je me suis ressourcé, replongé, pour repartir d’aplomb. Donc c’est très important. L’écriture c’est mon exutoire, c’est le seul bien précieux que j’ai. A travers cet atelier on retrouve tout un rythme, tout un sens de notre vie qu’on a perdu. » (Marvin, résident au Samu social de Popincourt)
L’ensemble du travail de l’atelier sera restitué sur la scène de la Maison de la Poésie au début du mois de juin, et aussi sur un livret remis à chacun. Une fierté pour les participants, et une belle façon de créer une passerelle entre deux mondes.
Reportage de Lucie Bouteloup pour RFI