L’Homme sans qualités intrigue, attire, intimide. Rares sont ceux qui l’ont lu de la première à la dernière ligne. Rares également ceux qui, après l’avoir approché, n’y reviennent pas. C’est que Musil, comme le souligna la poétesse Ingeborg Bachmann, avait voulu « faire bien plus qu’écrire un roman », convaincu que des possibilités d’accomplissement ignorées s’offraient à l’homme. Il y a une utopie musilienne, qui est recherche d’une nouvelle géométrie morale où poésie et éthique se confondent. Ce regard d’écrivain, d’une acuité inouïe, se révèle d’un précieux secours pour faire face à notre temps saturé de discours économiques et identitaires négatifs. Le restituer supposait de retracer l’itinéraire de l’homme et la genèse de l’œuvre.
Frédéric Joly, Robert Musil, Tout réinventer, Le Seuil, 2015.