Alain Badiou – Le nommé « migrant » : un prolétaire nomade ·  Alain Badiou – Le nommé « migrant » : un prolétaire nomade · 
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Conférence
mercredi 12 décembre 2018

Alain Badiou – Le nommé « migrant » : un prolétaire nomade

Lecture par Matthieu Marie

La question dite des « migrants » divise aujourd’hui les sociétés privilégiées du monde occidental, au point de devenir une question politique majeure. Mais déjà, « migrants » est un mauvais choix dans la langue. Aurait-on appelé « migrants », au XIXe siècle, le flux constant de jeunes paysans pauvres venus d’Auvergne ou des Alpes, ou même d’Italie, qui traversaient la France pour s’entasser à Belleville et chercher du travail dans les ateliers parisiens ? Que le flux vienne aujourd’hui d’Afrique ou d’Asie, ou encore du Moyen Orient ou de l’Amérique du Sud, ne change en rien sa nature. Il signifie seulement que le capitalisme s’est effectivement mondialisé, comme tout le laissait prévoir. Marx a nommé « prolétaires » ces voyageurs forcés. Cela ne voulait pas dire « ouvrier », ou « étranger ». Cela voulait dire : celui qui n’a rien d’autre que sa force de travail, et qui doit à tout prix, pour survivre, la vendre aux propriétaires des grands lieux de production. Il ajoutait qu’ainsi conçus, les prolétaires n’ont pas de patrie. Et il voyait dans le prolétariat ainsi constitué le sujet nomade d’une révolution planétaire.

Nous devons être fidèles à cette vision, laquelle est encore plus certainement vraie qu’elle ne l’était du temps de Marx. La question dite des « migrants » n’est pas une question d’humanisme moral, d’hospitalité, d’amabilité dans l’accueil. C’est une question politique : de la venue et de l’organisation, avec nous, de tout ce flux novateur, dépend que nous sortions enfin du bourbier où la prédation capitaliste et son oligarchie féroce nous entraînent. Saluons cette ressource ! Que surgisse en puissance politique la rencontre organisée des intellectuels d’ici et des prolétaires nomade venus d’ailleurs. N’ayons comme eux nulle autre patrie que l’humanité toute entière.

Alain Badiou.

À lire

Alain Badiou, La vraie vie : Appel à la corruption de la jeunesse, Fayard, 2016.

Conception Nadine Eghels – Production Textes & Voix.